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28.10.2020
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Est-ce la fin des cookies ? - Partie 2
Est-ce la fin des cookies ? - Partie 2
Clarisse Bolignano
Juliette Poyet
Note : Ce contenu a été créé avant que Fabernovel ne fasse partie du groupe EY, le 5 juillet 2022.

Le marché de la publicité est chamboulé. En janvier 2020, le leader des navigateurs, Google Chrome, annonçait la suppression des cookies 3rd party (pas sûr de la différence entre un cookie 3rd party et 1st party ? révisez vos basiques en lisant notre premier article) de son navigateur. Or ces derniers sont les outils principaux des acteurs de la publicité. Sans les cookies tiers, quel avenir pour les utilisateurs ? Les annonceurs ? et les publishers ? Analysons les conséquences de cette annonce un par un :

Les utilisateurs

Le grand avantage de cette annonce pour les utilisateurs est évident - il en est aussi la cause principale : la protection de leur vie privée. Grâce à cette décision, les utilisateurs ne seront bientôt plus suivis par des cookies 3rd party pendant leur navigation.

On peut s’en réjouir, mais il faut être conscient des conséquences de cette liberté de navigation, notamment sur l’expérience de celle-ci. Si les cookies 3rd party nous suivent, c’est surtout pour comprendre notre navigation et permettre aux annonceurs de spécialiser leurs communications. Nous ne verrons donc pas moins de publicités, mais moins (ou pas du tout) de publicité ciblée.

Les cookies 3rd party permettent aussi la mise en place d’un capping publicitaire, c’est-à-dire qu’elles veillent à ne pas proposer une publicité trop souvent à une même personne, évitant ainsi la sur-exposition. Sans eux, l’utilisateur aura plus souvent l’impression d’être “spammé” par une marque et sa publicité omniprésente.

Enfin, les nombreux sites web qui proposent actuellement des services gratuits (en échange de données), dont les revenus proviennent en grande partie de la publicité, comme les médias, réagiront probablement en changeant de business model. Cela réduirait l’accessibilité à ces services, on doute que cela fasse plaisir aux utilisateurs.

Les éditeurs

Les éditeurs - ou “publishers” - seront gravement affectés par la suppression des cookies 3rd party. Il s’agit de tous les sites qui proposent des espaces publicitaires à des annonceurs, comme certains médias ou comparateurs par exemple. Sans solution équivalente aux cookies 3rd party (pour explorer celles-ci rendez-vous sur notre troisième et dernier article de cette série), ils devront s’adapter.

Une conséquence claire est que les éditeurs ne profiteront plus des données tierces, et devront ainsi se tourner et “se contenter” de leurs propres données. Ils donneront donc accès aux annonceurs à moins de données, mais à des données plus riches ! En effet aujourd’hui, les éditeurs par l’intermédiaire des régies publicitaires proposent des publicités ciblées basées sur les données provenant de la régie. Cette donnée, étant basée sur le cookie 3rd party, a quelques limites (comme vu lors de notre 1er article), ce qui la rend moins qualitative que de la donnée 1st party. Les publishers n’auront d’autre choix que d’enrichir les base de données dont ils disposent, et essayer d’encourager à la création de compte et à la connexion. Récupérée ainsi, de façon consentie, la donnée ne sera que plus précise et précieuse.

Pour les petits publishers, une des solutions les plus viables sera le ciblage contextuel. C’est-à-dire de cibler une personne suivant des données de contexte, aussi bien celui du publisher lui-même - le sujet de l’article, ou du journal si celui-ci est très spécialisé - que celui de l’utilisateur (son heure de connexion, sa source (s’il vient d’un réseau social ou d’un moteur de recherche par exemple), son device). Toutes ces informations permettent via des probabilités ou des méthodes plus avancées de data science, de définir un profil et de cibler ensuite ce même utilisateur.

Pour les gros publishers, ce sera plus simple. En effet, ceux-ci ont déjà beaucoup de données dont ils sont propriétaires puisqu’ils comptent davantage d’abonnés et donc de comptes. De ce fait, le ciblage pourra être contextuel, mais également via les données de leurs utilisateurs dont ils disposent. Les réseaux sociaux et autres walled gardens, où les utilisateurs sont toujours connectés disposent d’une grande quantité de données permettant un ciblage très précis des publicités diffusées sur leur plateforme.

Les annonceurs

Comme les éditeurs, les annonceurs ont eux-aussi des données qui leur appartiennent. En effet, leurs bases de données CRM regorgent d’informations qui attendent d’être analysées et activées ! La suppression des cookies 3rd party invitera les annonceurs à se réapproprier leurs données et à s’adapter aux attentes de leurs utilisateurs sur l’utilisation de celles-ci. Nike a par exemple sorti une application qui permet à ses utilisateurs de suivre leurs performances sportives, en échange, ces derniers acceptent de partager ces données avec la marque qui peut ainsi en apprendre davantage sur les habitudes de ses consommateurs.

Les données peuvent être utilisées pour améliorer l’expérience des utilisateurs - c’est à cela qu’elles doivent servir. Les annonceurs peuvent personnaliser leurs promotions, personnaliser leur homepage pour améliorer l’expérience utilisateur - à condition de déjà connaître ce dernier. Il y a autant de homepages différentes sur Netflix que d’utilisateurs, ce qui permet à Netflix de satisfaire un grand nombre de ces utilisateurs et ainsi de garder un taux d’utilisateurs actifs stable. Et tout ceci sans cookies 3rd party !

Que retenir ?

Si cette annonce a été décriée par certains acteurs du milieu publicitaire, c’est qu’elle aura des conséquences sur toutes ses parties. Mais elle permet en même temps de prendre un nouveau départ et de garantir davantage de transparence et de compréhension sur la collecte des données et son intérêt auprès des utilisateurs. Elle pousse également les éditeurs et annonceurs de faire un meilleur - et plus intelligent - usage de leurs propres données.

Tout ceci reste néanmoins à nuancer, car ce dont on parle moins c’est que Google Chrome, dans la foulée de l’annonce de suppression des cookies 3rd party, a aussi indiqué qu’il ne le ferait pas sans trouver de solution à la performance équivalente. Est-ce possible tout en respectant la vie privée ? Et quelles solutions existent ? C’est tout le sujet de notre prochain article.

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