Note : Ce contenu a été créé avant que Fabernovel ne fasse partie du groupe EY, le 5 juillet 2022.
Player One, le premier best-seller de Ernest Cline a obtenu le prix Prometheus 2012 du meilleur roman de science-fiction aux États-Unis. Adapté au cinéma par Steven Spielberg sous le nom de Ready Player One, l’histoire abonde de références à la culture pop des années 1980 (super-héros, robots, films de SF, jeux vidéo, etc.).
Elle met en scène Wade Watts, un adolescent de 17 ans en 2045 dans l’Ohio, vivant dans une époque marquée par les fractures sociales, les crises écologiques et énergétiques. Un monde où chaque individu se retrouve dans l’Oasis, une plateforme mondiale de réalité virtuelle où chacun peut créer son avatar et vivre la vie qu'il souhaite.
Muni de son visiocasque, Wade se plonge à son tour dans cet univers où tout semble plus simple et plus agréable. Un monde tellement addictif et excitant qu’il n’y compte plus ses heures. Ses amis virtuels remplacent les réels. Sa chambre devient son territoire d’exploration. Son dispositif haptique - et en particulier ses gants et sa combinaison - deviennent son moyen de ressentir de nouvelles sensations. Dépenser son argent dans des jetons virtuels devient son unique obsession.
Il n’est pas seul à être obsédé. Le jeu, conçu à l’origine comme un simple jeu de rôle, a évolué en moins de 10 ans en une plateforme rassemblant 9 milliards d'utilisateurs connectés en permanence. L’économie mondiale tourne autour de l’Oasis.
Pour la première fois dans l’histoire, 2045 est l’année où le virtuel est devenu la nouvelle réalité de l’humanité, refuge d’un monde en perte de sens.
Un scénario réjouissant pour un film de science-fiction. Moins pour la réalité. Mais quelles sont vraiment les perspectives de notre “réalité” ? Et si, demain, tout était fiction ? Trois signes que nous n’en sommes pas si loin.
#1. Quelle frontière entre réel et virtuel ?
Et si l’Oasis existait déjà ?
La réalité virtuelle n’est pas nouvelle. Elle existe depuis un certain temps déjà, le développement des premières lunettes et gants datant du milieu des années 1980 par Jaron Lanier, fondateur de VPL Research.
Mais elle n’en est encore qu’à ses débuts. Les premiers utilisateurs - les bien nommés “innovators” de la courbe d’adoption d’une innovation - ont été les entreprises de l’industrie (pour équiper leurs employés de casques pour améliorer l’efficacité des process), la médecine (pour équiper les chirurgiens pour visualiser des zones inaccessibles) et l’éducation (pour apprendre à distance et manipuler virtuellement des objets). Elle a poursuivi son ascension en touchant les “early adopters” grand public, plus particulièrement les fans de jeux vidéos. Son usage s’est démocratisé et convainc de plus en plus de joueurs de passer de la console au casque VR. Mais elle peine à trouver un public plus large.
Pourquoi ? La réponse est d’abord technologique. La qualité des vidéos n’est pas encore optimale et se plonger des heures dans des univers virtuels reste un effort. A en croire la note de 1,8/5 de l'application Netflix VR, cette technologie est encore loin de remplacer le divertissement traditionnel. La création de contenus en réalité virtuelle exige des budgets conséquents et des nouvelles façons de raconter des histoires.
A cela s’ajoute la question centrale de l’usage. Les concepteurs n’ont toujours pas réussi à adresser un besoin pertinent pour le grand public, qui n’a toujours pas eu la démonstration de la réelle utilité de la technologie au quotidien. Une perception que certaines entreprises sont bien décidées à changer, en démontrent des postes tels que “AR/VR Demo Evangelist” recherchés activement par Apple. Le rôle d’un tel profil ? démocratiser la technologie en interne, en trouver les usages pour le grand public, inventer de nouveaux business models et inspirer les équipes au travers de démos technologiques.
Une technologie mal comprise pour l’instant. Mais qui répond tout de même à deux besoins réels : s’immerger et interagir. Un sondage récent confirme que 77% des utilisateurs de la réalité virtuelle veulent de plus en plus d’engagement social. En effet, d’autres applications que les jeux vidéos émergent : le réseau social par exemple. Facebook Spaces a pour ambition de devenir le prochain réseau social incontournable - et détrôner son grand frère. Il s’apparente à une plateforme virtuelle, où chaque utilisateur crée son propre avatar pour y retrouver ses amis. Les interactions sociales sont de plus en plus réalistes car l’avatar reprend les traits de visage de l’utilisateur et ses expressions selon l’intonation détectée. Les lèvres de l’avatar bougent même quand l’utilisateur parle dans le micro. Il est ainsi dès aujourd’hui possible de discuter et partager des activités à plusieurs : dessins, jeux de sociétés ou parties de pêche au milieu de la banquise. Facebook Spaces n’est pas seul sur ce créneau : un autre réseau social rassemble aujourd’hui 3 millions d’utilisateurs dont 20 000 personnes connectées simultanément, VRCHAT. Les décors sont encore très loin d’être réalistes, ce qui n’empêche pas les utilisateurs de s’y retrouver pour discuter et faire des mini-jeux. Une forme d'interaction nouvelle - virtuelle mais sociale - encore imparfaite mais pour laquelle l’engouement est déjà bien présent. A quoi cela peut ressembler ? Un exemple ici.
Si les applications de la VR créent de nouveaux usages, l'amélioration continue des technologies permet d’accélérer l’adoption. Revenons à notre film. Le jeune Wade s’équipe de son nouveau dispositif haptique intégral lui permettant de ressentir les coups et les touchers. Le tapis sur lequel il se tient lui permet de simuler les déplacements dans le jeu. Autant de dispositifs qui effacent les frontières entre le réel et le virtuel. Et qui existent déjà. Les visiocasques que vous connaissez probablement, peuvent déjà être augmentés pour rendre l’expérience d’autant plus réaliste : Valve compte prochainement produire en série son pack Knuckles, composé d’une sangle pour maintenir la main du joueur en permanence sur les commandes ou encore de capteurs de détection de force. Il est ainsi plus facile de manipuler des objets 3D, les casser ou les lancer plus loin. Le ROTO VR, quant à lui, est une chaise qui simule les déplacements du joueur et l'empêche de s'emmêler avec les fils. Un autre dispositif, appelé FeelReal, va beaucoup plus loin en reproduisant les odeurs, le toucher et la chaleur, et ce pour 249 dollars.
La technologie s’améliore pour rendre l’expérience encore plus immersive. A tel point que des situations inattendues et non anticipées par les concepteurs posent déjà problème. Récemment, les membres du réseau social virtuel VRChat ont assisté, impuissants, à une crise de convulsions de l'un des joueurs. Un incident qui interroge : l’urgence virtuelle est-elle bien réelle ?
#2. La VR au coeur des préoccupations des géants de la tech
Qu’est-ce que le réel ? rien de plus que des signaux électriques interprétés par votre cerveau. C’est l’avis de Michael Abrash, Chief Scientist chez Oculus Research qui, en 2015 déjà, à la conférence F8 organisée par Facebook partageait sa vision et présageait l’embrasement des réalités virtuelle et augmentée par le développement de l’informatique visuelle.
C’est un monde où les images virtuelles se superposent au réel que dessine Michael Abrash, dans lequel le virtuel révolutionnera notre manière de travailler, jouer et interagir avec les autres.
Cette vision du monde réel par Facebook, limitée à des signaux électriques, traduit (ou induit) la direction stratégique de l’entreprise et des projets qui en découlent : connecter le clavier au cerveau de ses utilisateurs, la sortie des casques Oculus Quest et Rift S (système de jeu tout-en-un) ou son offre Oculus for Business. De quoi multiplier les usages de cette technologie pour les entreprises. D’autres, comme Ayden Ye, CEO de VeeR énonce clairement que la réalité virtuelle changera la façon dont les gens perçoivent et vivent le monde, transférant les gens de ce monde physique vers le monde virtuel...
D’autres applications à la VR existent avec un impact positif visible. Jeremy Patterson, Lead User Experience Technology R&D à Hôpital national pour enfants dans l’Ohio, a par exemple créé une expérience de réalité virtuelle pour aider à soulager la douleur et l'anxiété des enfants hémophiles qui reçoivent des perfusions. Nkosana Butholenkosi Masuku, un entrepreneur de 24 ans, originaire du Zimbabwe et CEO de Phenomenon Technologies crée des sorties éducatives en réalité virtuelle pour des élèves qui, autrement, n'auraient pas l'occasion de sortir de leur classe. C’est à travers ces applications que d’autres visions de la VR sont possibles : mettre la technologie au service de l’humain et de la société.
Aujourd’hui, la vision agit comme une véritable boussole, donnant un cap à l’entreprise et à tous les employés qui la composent. Quelle mission ? Quel rôle ? Des questions d’autant plus critiques quand il s’agit de manipuler une technologie nouvelle, potentiellement dévastatrice. Car ces questions de responsabilité doivent être intégrées dès la phase de conception - dès maintenant. Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? Quel rôle et périmètre voulons-nous donner à notre innovation ? Notre objectif mène-t-il à une création de valeur responsable et durable ? Avons-nous identifié les risques qu’engendre notre innovation ? Mettons-nous la technologie au service de l’humain ?
Ces questions sont essentielles pour fabriquer un futur souhaitable. Pour tous.
#3. Un modèle d’affaire bien réel émerge pour la réalité virtuelle
Après une demie-heure de film, cette image apparaît sur ma télévision. L’homme ci-dessous a pour ambition de monétiser la plateforme Oasis, en couvrant 80% du champs visuel du joueur avec des publicités. 30 secondes qui en disent long (et qui disent vrai) sur le potentiel avenir du marché de la VR. Alors quels en seront les business models ?
A l’image des GAFA et leur modèle d’affaire basé sur la monétisation des audiences, des sociétés proposent déjà des moyens de maximiser l’engagement avec les utilisateurs. Immersv, valorisée 10 millions de dollars, propose des solutions de rémunération pour des applications et jeux en réalité virtuelle. La société a même développé une carte de chaleur pour indiquer aux annonceurs quelles sont les zones les plus pertinentes pour une campagne et le potentiel retour sur investissement. Une entreprise concurrente, Virtual Sky affiche très clairement sur son site sa promesse de créer des campagnes engageantes sur toutes les plateformes de réalité virtuelle (consoles, mobiles, sites). Elle compterait déjà au total 6 milliards d’impressions par mois. Les Français s’y mettent également : M6 Publicité fait déjà appel à la technologie d’Omnivirt, start-up californienne spécialisée dans la réalité virtuelle, et à 6play pour la mise en place d’une plateforme publicitaire en réalité virtuelle. Disponible pour tous les formats publicitaires (display ou vidéo), la plateforme s’adapte aux modes d’achat en direct ou en programmatique pour une diffusion sur tous les écrans digitaux. Les clients de la régie pourront profiter d’un dispositif 100% clé-en-main et faire appel à M6 Unlimited pour la production de leur spot en réalité virtuelle. Guillaume Charles, directeur général adjoint de M6 Publicité en charge du Marketing, des Études et du Digital promet “une exposition dans un écrin premium auprès de ses 16 millions d’inscrits, une visibilité garantie et des indicateurs de performance dédiés à la réalité virtuelle pour mesurer les zones les plus engageantes du spot “. Des annonceurs tels que Nissan ou Mountain Dew ont déjà commandé de telles campagnes.
Alors, que penser de l’avenir de la réalité virtuelle ? 🤔
Toutes les conditions se réunissent peu à peu pour que le marché de la réalité virtuelle atteigne le grand public dans une réalité très proche.
Côté entreprise. Les propositions de solutions de monétisation de leur application en réalité virtuelle se multiplient. De nouvelles entreprises se spécialisent pour proposer des dispositifs capables d’intégrer une nouvelle forme de publicité. Ces promesses de potentiels bénéfices permettent de justifier de lourds investissements et de recruter de nouveaux profils, encore rares sur le marché. De plus, le développement de la 5G permettra de rendre les expériences encore plus fluides, plus “temps réel”. Il y aura donc des applications de la VR de plus en plus diversifiées sur le marché.
Côté marque. Les entreprises y voient un format original pour générer encore plus d’engagement avec leurs clients ou prospects. Un canal d’acquisition de plus pour compléter leur approche marketing.
Côté développeur. Ce marché qui s’annonce de plus plus fleurissant va conforter les développeurs dans leurs efforts pour améliorer leurs produits. Avec une mise en concurrence de ces acteurs, le prix de vente de leur technologie ne pourra que baisser.
Côté utilisateur. La technologie devient de plus en plus accessible. Déjà, des casques sont disponibles à partir de 200€. Le matériel et les casques de réalité virtuelle deviennent assez confortables et élégants pour une consommation grand public, et la qualité du son est nette et claire. Cependant, pour un usage massif, les équipements devront s’améliorer pour devenir encore plus discrets et confortables. Par ailleurs, les entreprises de plus en plus nombreuses à se lancer multiplieront les cas d’usages jusqu’à trouver la bonne formule.
Mais nous sommes toujours dans l’attente de la killer app.
C’est-à-dire une application qui répondra à un usage d’un grand nombre d’utilisateur et démocratisera cette technologie. Ressemblera-t-elle à l’Oasis ?
La réalité virtuelle va faire partie intégrante de notre vie, c’est certain. Mais pourquoi ? Pour quel usage ? Comment ?
Bien plus que du simple divertissement, il est essentiel de se poser dès aujourd’hui les questions qui comptent. Avant de concevoir, vendre et adopter des usages dont nous ne voudrions pas.
Alors, qu’aimeriez vous inventer avec la réalité virtuelle pour un futur souhaitable pour tous ?