Note d'analyse presse — Paris, le 5 juin 2023 — par Emmanuel Longère, directeur de projet AR/VR, EY Fabernovel
Certes, le contexte économique morose a contribué à donner un coup de frein aux évolutions hardware des casques de réalité virtuelle, tant chez les GAFA que chez les géants de l’Internet chinois, les BATX. Illustrations de cette tendance ? Des plans massifs de licenciement sur le développement de Hololens 2 et les projets VR de Tencent à l’arrêt… Dans ce paysage, le géant à la pomme semble conserver ses plans de développement. La firme s’apprête à lancer un nouveau casque, sans doute présenté lors de la Worldwide Developers Conference (WWDC), qui s’ouvre ce lundi 5 juin en Californie. Autre annonce à venir, malgré la réorganisation des activités de réalité augmentée et virtuelle au sein des Reality Labs de la firme de Mark Zuckerberg, le prototype de troisième génération du Meta Quest (casque de réalité virtuelle), pour une mise sur le marché en fin d’année.
Qui dit 3D dit souvent jeux vidéo. Mais la représentation du réel en trois dimensions va bien au-delà. Les entreprises, de l’industrie en particulier, l’utilisent d’ailleurs de plus en plus. Rendue accessible grâce aux avancées technologiques, la 3D leur permet de simplifier leurs problématiques métiers ou fonctionnelles. À l’image du secteur de la santé, que ce soit dans le domaine du bien-être, de la réduction du stress, du soulagement de la douleur… L’immersion a un impact fort sur ses utilisateurs. HypnoVR, par exemple, start-up strasbourgeoise, qui a levé 4,5 millions d’euros en 2022, réduirait l’anxiété et le stress de 45 % en chirurgie dentaire, selon les études menées par l’entreprise. La start-up américaine AppliedVR mise aussi sur la réalité virtuelle comme palliatif aux patients souffrant de douleurs chroniques, et ce à moindre coût.
Le smartphone a accéléré l’accessibilité et la démocratisation de la 3D. Il équipe majoritairement la population mondiale — 80 % des téléphones mobiles en 2022, selon le Digital Report 2022. Quant à Apple et consorts, ils poursuivent leurs avancées dans ce domaine, trois ans après ses débuts du LiDAR (Light Detection and Ranging). Inspiré du radar, cette technique permet de scanner avec son smartphone le monde réel et de le reconstituer en 3D. En quelques secondes.
Les applis se développent autour de la 3D
Grâce à ces technologies, souvent open source et exposant des API (interface de programmation d’application), de nombreux acteurs ont pu lancer des applications innovantes dans l'aménagement et le design d’intérieur. Les acteurs du e-commerce eux-mêmes y voient une façon de reconstituer les produits en 3D, histoire de mettre en valeur les matières utilisées, comme le lin ou le chanvre. Une manière de rendre l’expérience du virtual try on plus vraie que nature. Avec un objectif prioritaire : limiter les retours produits.
Pour Apple, c’est aussi une façon de commencer à engager une communauté de développeurs et à garnir son store d’applications avant l’arrivée de son casque. Les services ont représenté pour l’entreprise 20 % de ses revenus en 2022, soit 78,1 milliards de dollars ! Les potentialités d’un casque — conçu pour ne pas susciter l’envie de le retirer aussitôt enfilé — qui permet de se concentrer sur l’expérience immersive — les mains sont libérées — viendra sans doute démultiplier ses applications disponibles.
La valeur ajoutée des expériences immersives
Que permettent les technologies 3D aujourd’hui ? Scanner, par exemple, les infrastructures des villes pour cartographier leurs réseaux (électrique, eau, etc…), c’est les voir en réalité augmentée — de manière précise et géolocalisée — sans devoir détruire toute la chaussée ! Imaginez : si, lors des grands travaux à venir de réparation des fuites des canalisations d’eau en France, le réseau était scanné ? Dès lors, la nécessité d’effectuer des travaux de grande ampleur pourrait être réduite à l’essentiel : chaque centimètre du réseau serait visible depuis la surface, sans avoir à percer le moindre trou. Il serait bien plus aisé de cibler la bonne section et, surtout, de la reproduire à l’identique à partir du modèle numérique.
À l’image du passage de la photo de l’argentique au numérique, l’arrivée à maturité des technologies 3D va libérer la création de contenu et de services. Dans un premier temps, ces nouveaux usages seront plutôt d’ordre professionnel : seules les entreprises auront les moyens de s’offrir des équipements premium. L’ambition du géant de Cupertino pourrait être d’en démocratiser les usages grand public.
Il serait alors indispensable d'inventer des services connectés à l’intérêt général pour ne pas créer une dystopie. Toute nouvelle activité humaine générant un impact environnemental et social, il faut y être très attentif.
A propos de l’auteur, Emmanuel Longère, directeur projets AR/VR, EY Fabernovel
Emmanuel Longère est directeur de projets AR/VR chez Fabernovel. Il accompagne les entreprises dans leur stratégie d'innovation technologique, la définition d’architecture de leur SI et la définition de nouveaux parcours utilisateur et métier pour concevoir ou faire évoluer des outils digitaux. Diplômé 2017 de Télécom Paristech.