Entretien avec Judith Camarcat, Chief of Staff chez La Vie Foods.
« C’est quand même plus simple de parler de bacon végétal que de “rectangle rose que l’on peut frire” » !
À l’heure où le gouvernement français veut de nouveau interdire la désignation des produits végétaux par des termes de boucherie, lisez notre entretien avec Judith Camarcat. Un extrait de son intervention à la soirée organisée par Fabernovel le 3 juillet 2023 — « Les protéines alternatives vont-elles sauver le monde ? ».
Pourquoi vous être lancée sur le marché émergent de la viande végétale ?
La VieTM s’adresse à ceux qui aiment le goût de la viande mais préfèrent celui de la vie ! La marque distribue aujourd’hui du bacon et des lardons végétaux, à base de soja et d’huile de tournesol, avec pour ambition de devenir le leader sur le marché naissant de la charcuterie végétale. Pourquoi ? La viande de porc est la plus consommée au monde, utilisée dans nombre de recettes au quotidien. Nous adorons son goût mais récusons la façon dont elle est produite : l’élevage du bétail occupe 77 % des terres agricoles pour 17 % des apports en calories… La VieTM propose des produits fidèles au goût et à la texture de la viande… sans viande ! Pour favoriser l’adoption des protéines végétales, il est plus facile de proposer des produits semblables à ceux que tout le monde connaît, en pariant sur le goût et le plaisir.
Quel public cible La Vie ?
Sans surprise, pour l’heure, végétariens et vegans sont nos premiers ambassadeurs, ravis de retrouver le goût du bacon et des lardons. Nous nous adressons aussi aux jeunes, pour la plupart issus de la génération Z. Amateurs de produits riches en goût qui préservent la planète, les protéines végétales les séduisent. Pour notre marque, c’est une aubaine car cette population est hyper active sur les réseaux sociaux. Voilà qui nous permet de vulgariser rapidement notre concept. Pour autant, à terme, notre objectif est de nous adresser à tous ! En supermarché, nous observons déjà qu’un large public achète nos produits. Sans doute les plus jeunes poussent-ils leurs parents à les consommer.
Vous communiquez de façon décomplexée et frappante. Pour quels résultats ?
La VieTM a marqué les esprits avec des campagnes de com fortes. À l’image de : « C’est un juif, un viandard, un musulman et un vegan à la même table. Et ce n’est pas une blague. » De quoi se faire une place pour entrer sur le marché — la compétition y est rude — des protéines végétales ! Et d’y rester. Résultat, nous sommes aujourd’hui présents dans 4 600 points de vente de la grande distribution. Du jamais-vu pour une marque aussi récente.
Comment élargir votre public ?
En termes de communication, les partenariats avec les chaînes de restaurant restent incontournables pour toucher le grand public. Cela permet de faire goûter nos produits au plus grand nombre. Nous sommes référencés au national chez Burger King, qui utilise notre bacon dans plusieurs de ses recettes végétariennes. Pour accompagner notre lancement au Royaume-Uni, ils ont décidé d’imprimer et d’afficher des pancartes devant une enseigne d’une marque concurrente de restauration rapide : « Désolée, Ronald, c’est La Vie ! » Un succès fou qui a permis aux consommateurs d’essayer nos produits, avant de les acheter en grande surface.
Quel est le rôle des distributeurs dans le processus d’adoption de ces produits ?
Favoriser leur accessibilité, que ce soit leur disponibilité en rayon ou en matière de prix. Ces deux dernières années, que dire de certains distributeurs dont l’étiquette a affiché une hausse de 48 %, à mille lieux de l’évolution de nos propres prix ? En tant que fournisseur, nous pouvons communiquer un prix de vente conseillé mais n’avons aucun pouvoir décisionnaire sur le prix de vente en rayon. Il est du ressort des distributeurs d’afficher des prix raisonnables.
Comment La Vie peut-elle aider les consommateurs à s’y retrouver entre les différentes appellations ?
Le consommateur peut s’y perdre. Pour preuve, la sortie d’un décret empêchant les marques produisant des substituts à la viande d’utiliser des dénominations liées à cette dernière. Pourtant, c’est quand même plus simple de parler de bacon végétal que de « rectangle rose que l’on peut frire » ! Aussi avons-nous réussi à faire suspendre ce décret… Il y a néanmoins un enjeu d’éducation quant aux termes désignant les substituts à la viande, que ce soit pour savoir où placer le produit en rayon ou concernant la santé de tous. Concernant les produits à base de plantes, pas de confusion possible, à partir du moment où le mot végétal apparaît.
Vous dites que cela soulève certaines questions pour d’autres catégories ?
Oui : Où certaines mentions doivent-elles être apposées ? Quid du jour où les produits à base végétale seront mélangés à un produit d’origine animale — ce que l’on commence à voir avec certaines alternatives au fromage, par exemple ? Comment faire la différence ? Il importe de pouvoir se référer à une base de dénomination fiable, via des labels par exemple.
Avez-vous des pistes pour favoriser l’éducation des consommateurs sur ces sujets ?
Il importe d’expliquer au consommateur quels sont les bénéfices associés à la consommation de viande végétale par rapport à la viande animale — préservation de la planète et protection de notre santé obligent. Avant tout, nous voulons nous adresser à ceux qui aiment la viande mais préfèrent la vie, la santé et la planète !
NDLR : cet article est le quatrième d’une série basée sur les enseignements de l’événement Future of Food « Les protéines alternatives vont-elles sauver le monde ? » organisé par EY Fabernovel début juillet dans le cadre des activités de son lab EY dédié à la durabilité.
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