Si la Chine impressionne et intrigue, son exemple est trop souvent mis de côté, car “trop différent”. La Chine a pourtant été au cours de la dernière décennie - et grâce au déploiement de politiques économiques protectionnistes - le théâtre d’une transformation sans précédent qui lui a permis de passer d’atelier du monde à centre de Recherche et Développement de la planète. Pour ce faire elle peut s’appuyer sur des champions de la Tech implantés dans des villes particulièrement dynamiques telles que Pékin, siège de 40 licornes et de nombreux capital risqueurs, Shanghai pour les services financiers, Shenzhen, la Silicon Valley du Hardware ou encore Hangzhou, siège d’Alibaba.
WeChat, le vertige.
Parmi les géants qui portent la dynamique, il est un qui a particulièrement contribué à faire de la Chine un territoire connecté. Il s’agit de WeChat, produit phare et véritable colonne vertébrale de Tencent. L’application s’est développé à la vitesse de l’éclair en atteignant les 100 millions d’utilisateurs après seulement 433 jours d’existence (contre 1650 jours pour Facebook) et en contribuant à créer 20,3 millions d’emplois.
Nous estimons que cette plateforme, qui compte 1 milliard d’utilisateurs, représente aujourd’hui plus de la moitié de la valeur de Tencent qui capitalise plus de 400 Milliards de dollars à la Bourse de Hong-Kong.
Et l’application explose tous les records puisqu’on estime que son taux de pénétration du marché chinois est de 92%, et qu’elle est en passe de réaliser le rêve de la super application en connectant ses utilisateurs avec un écosystème de fournisseurs de services marchands, de services publics et une solution de paiement unique, rendant sa promesse “one tap away from everything” effective. Un rêve qui a influencé la création d’applications similaires en Asie du Sud-Est telles que Grab à Singapour ou Go-Jek en Indonésie.
“Prendre un rdv médical, commander un chauffeur, prendre un billet d’avion, envoyer de l’argent à ses proches, divorcer, payer ses factures d’énergie ou ses impôts, partager des photos avec ses amis, autant de démarches à la portée de tout utilisateur de WeChat.”
Rétrospectivement, il est possible de comprendre le secret de sa réussite à l’aune de 5 stratégies que les fondateurs de WeChat ont mis en exécution.
- WeChat, c’est d’abord l’histoire d’un pivot stratégique qui a réussi
En 2010, et alors que l’iPhone d’Apple souffle sa troisième bougie, Tencent est un acteur installé au coeur des foyers chinois via sa plateforme QQ Messenger (650 millions d’utilisateurs) qui domine le marché chinois du social. Bien plus, QQ est un écosystème de services accessibles depuis un ordinateur. Conscient que les nouveaux usages mobiles vont s’imposer, que QQ risque de perdre sa position de leader, et sur fond de développement en Occident et en Asie d’applications de messagerie instantanée, Tencent est confronté au dilemme de l’innovateur décrit par Clayton Christensen selon lequel face à des innovations de rupture, les acteurs installés hésitent. Au risque de disparaître. Ce dilemme, ils le résolvent en proposant - entre autre - un concours d’innovation interne. C’est l’équipe d’Allen Zhang, alors directeur de la recherche de QQ Mobile et futur fondateur de WeChat, qui remporte la compétition. Après quelques mois de développement et une fois que Tencent s’est assuré que les fonctionnalités du nouveau produit correspondaient aux standards du marché, la base d’utilisateurs de QQ a été connectée à WeChat. WeChat naît ainsi le 21 janvier 2011 avec 650 millions potentiels d’utilisateurs dans son berceau.
1. Plus qu’un canal de distribution, WeChat est une solution à toutes les frictions de la vie quotidienne
Pour se faire adopter par les ménages chinois, WeChat a placé la résolution des frictions de la vie quotidienne des Chinois au coeur de son produit et de son expérience. En 2014, en digitalisant la tradition millénaire des “petites enveloppes rouges” qui consiste à offrir de l’argent à ses proches pour des occasions, WeChat s’est inscrit dans la durée comme l’acteur incontournable des moments de vie des utilisateurs chinois.
“Being a product creator is like being in a relationship with the users. Otherwise, it’s only a business transaction. Product managers must have big hearts.”
Allen Zhang, founder & CEO de WeChat
Surtout, fidèle à l’adage amérindien selon lequel “tout est bon dans le bison”, WeChat a su tirer profit de tous les capteurs du smartphone : la caméra, l’accéléromètre, le GPS, l’écran, le podomètre, le micro… pour répondre aux besoins des utilisateurs en mobilité, tout en créant des usages devenus des standards d’expérience tels que le Shake, en diffusant massivement l’usage du QR code aujourd’hui, en investissant dans le vocal demain.
2. WeChat a construit un écosystème où la valeur créée circule de manière équilibrée
Pensé comme un couteau suisse numérique, WeChat donne accès sans friction à une multitude de services, avec un accès raccourci et une utilisation fluide. Cette exigence du service se retrouve dans son modèle économique puisque contrairement à Facebook, WeChat n’est pas organisé par un algorithme dont l’objectif est la rétention des utilisateurs sur son application. Surtout, le modèle publicitaire n’est pas au coeur de la rentabilité de l’application. WeChat se rémunère en partie sur les transactions générées par leurs partenaires et le cloud. Enfin, c’est la créativité et la viralité d’une campagne qui fait la visibilité d’une marque plus que les budgets alloués à l’achat média.
3. Tencent utilise WeChat comme un bras armé pour asseoir son développement et sa diversification face à Alibaba
Pour y parvenir, WeChat se dote d’alliés tels que Didi, JD.com, mobike etc. qu’elle sélectionne et met en avant sur sa plateforme. Sa stratégie d’alliance va plus loin puisqu’elle repère les champions de demain dans son écosystème, les sélectionne et les propulse, à l’instar de Pinduoduo (Appli de Social commerce) créée en 2015 - évaluée aujourd’hui à 24 milliards de dollars.
4. Pensée au départ pour les utilisateurs chinois, la question de l’exportabilité de WeChat reste en suspend
Après une première tentative ratée en 2012, WeChat n’a pas abandonné. Car, avec un taux de pénétration du marché chinois de 92%, les clés de sa croissance résident dans son développement international. Et WeChat a deux options. Elle peut augmenter la valeur par usager existant en développant des services à destination des touristes chinois ou de sa diaspora. Elle peut également augmenter le nombre d’utilisateurs en allant confronter son modèle à des géants déjà établis sur leurs continents (Gafas et licornes) ou encore en défrichant de nouveaux territoires comme l’Asie du Sud-Est. A cet égard, les récentes déclarations de Jack Ma, fondateur d’Alibaba - principal compétiteur de Tencent - sur l’Afrique peuvent apporter des éléments de réponses.